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V
INTRODUCTION ET NOTICE.

À l’en croire, c’est vers sa quinzième année[1] qu’il se sentit quelque penchant vers l’étude de la philosophie, mais il ne s’y livra sérieusement qu’à l’âge de quarante ans[2] c’est-à-dire à l’époque de la maturité pleine et parfaite de son esprit, et il produisit alors les œuvres qui l’ont immortalisé. Doué d’une intarissable gaieté, qui éclate en saillies fines et sensées, d’un rare esprit d’observation, d’une connaissance profonde du cœur humain et de ses faiblesses ; habile à manier l’ironie et la satire, Lucien ne charme pas seulement son lecteur par ce fond unique de qualités merveilleuses, il le captive par la beauté de sa diction, par le don qu’il a de peindre et d’animer les objets. Son style, pur et plein de goût, respire cet esprit de bon aloi, cette originalité nette et vive, cette véritable perfection attique, qu’on ne retrouve, avant lui, qu’aux plus beaux jours de la littérature grecque.

On comprend que des œuvres aussi brillantes aient attiré sur lui non-seulement les regards bienveillants du public, mais l’immense renommée dont il vint, se glorifier à Samosate dans un âge déjà avancé[3]. Il ne paraît point, toutefois, avoir séjourné longtemps dans sa ville natale. Il recommença ses voyages à travers la Cappadoce et la Paphlagonie, accompagné de son vieux père et des personnes de sa famille[4], jusqu’au moment où il fut chargé d’un emploi administratif en Égypte par Marc Aurèle ou par Commode. On ne sait pas au juste quel était cet emploi. Quelques biographes croient qu’il s’agit d’une charge de procurateur, d’autres pensent que Lucien fut simplement greffier en chef du préfet impérial. Voici ce qu’en dit Lucien lui-même[5] : « J’ai à gouverner une partie considérable de la province d’Égypte ; il me faut instruire les procès, établir l’ordre dans lequel ils doivent être appelés, tenir des registres exacts de tout ce qui se dit et de tout ce qui se fait, contenir les orateurs dans les

  1. Hermotimus, 54.
  2. La Double accusation, 32.
  3. Voy. la fin du Songe et l’Éloge de la patrie.
  4. Voy. Alexandre ou le faux prophète, 56.
  5. Apologie, etc., 12.