X
DIALOGUES DES MORTS.
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DIOGÈNE ET POLLUX.
[1] Diogène. Pollux, je te recommande, aussitôt que tu seras retourné là-haut, car c’est à toi, je pense, à ressusciter demain[1], si tu aperçois quelque part Ménippe le chien[2], et tu le trouveras à Corinthe près du Cranium, ou bien au Lycée[3], riant des disputes des philosophes, de lui dire : « Ménippe, Diogène t’engage, si tu as assez ri de ce qui se passe sur la terre, à venir dessous rire encore davantage. En haut, tu n’es pas toujours certain d’avoir à rire ; car, comme on dit, qui sait au juste ce qu’il advient après la vie ? Mais en bas tu riras sans fin, ainsi que moi, quand tu verras les riches, les satrapes, les tyrans rabaissés, perdus dans l’ombre, sans autre distinction que des gémissements, arrachés à leur mollesse et à leur lâcheté par le souvenir des choses de là-haut ». Dis-lui cela ; et ajoute qu’il ait soin de venir la besace pleine de lupins, ou bien d’un souper d’Hécate[4] trouvé dans quelque
- ↑ Voy. l’article Dioscures dans le Dict de Jacobi.
- ↑ Ménippe, philosophe cynique, originaire de Gadara, en Phénicie, florissait vers l’an 314 ayant Jésus-Christ. Il s’établit à Thèbes, où, selon Diogène de Laërce, il s’enrichit en faisant le métier d’usurier. Il avait composé treize livres de satires, perdus aujourd’hui. Lucien l’a rendu immortel.
- ↑ Le Cranium était un gymnase situé sur une colline voisine de Corinthe, et entouré d’un bois sacré. Le Lycée était aussi un gymnase situé dans un des faubourgs d’Athènes, où la jeunesse se rassemblait pour s’exercer, et les philosophes pour controverser. Diogène avait coutume de passer l’été à Corinthe et l’hiver à Athènes, se comparant on cela au Grand Roi, qui passait la belle saison à Ecbatane et la mauvaise à Suze.
- ↑ « Hécate présidait aux carrefours. À chaque nouvelle lune, les riches