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La Petite Kabylie

Je suis maintenant bien incapable de retrouver pourquoi, le mois de mai qui suivit, nous entreprenions la petite Kabylie plutôt que de reprendre la diligence pour Aïn-Draham et le pays Kroumir.

Nomadisme, sans doute.

Ce que je sais dans tous ses détails, c’est de quelle façon commença notre première incursion dans les montagnes du Thababor.

Dès les sabots de nos chevaux engagés sur la piste montante, un nouvel ouragan de mon mari, scandale coranique, se déchaîna, cette fois sur une seule tête, celle de notre guide, mince adolescent qui parlait Un peu le français.

Ne pouvant se douter de ce qu’était le Roumi qui venait de l’engager, et, malheureusement, habitué, de par un métier qui le mettait sans cesse en contact avec les coloniaux, aux sentiments que ceux-ci nourrissent en général pour ce qu’ils appellent « les Bicots », il crut bon s’exclamer tout à coup, sûr de nous faire plaisir :

— Moi pas croire Allah ! Moi manger cochon ! Moi boire vin ! Et allez donc, mon ami !

Malgré mes efforts, quel regret de ne presque rien saisir de ce qu’entendit ce malheureux garçon ! Je vis dans ses yeux s’allumer la flamme de fanatisme déjà surprise dans maint regard arabe. Écrasé mais conquis, pendant tout le reste du voyage il redevint plus farouchement musulman qu’aucun autre.

Si violemment commencée, l’ascension de la montagne