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El Arab

visité. Nous pouvons donc espérer désormais un peu moins de barbarie de la part de l’Europe ruée sur les continents sans défense. Ira-t-elle un jour jusqu’à supprimer, en ce qui concerne certains pays mahométans, ce paradoxe monstrueux qui s’appelle l’arabophobie ?

… Alger, pour y revenir, ne me fut pas une déception car je savais à peu près ce que j’allais y voir. À défaut d’autre personnalité, j’y remarquais combien le type busqué des indigènes différait de la grasse mollesse tunisienne. Et que charmantes les Algériennes musulmanes, tout de blanc vêtues, depuis le voile de tête et le voile de visage jusqu’aux pantalons bouffants ne laissant passer qu’une petite mule jaune citron ou rouge !

Beaucoup plus tard, à l’un de mes voyages solitaires en Alger, au temps où j’y allais voir ma sœur religieuse, j’eus l’occasion de visiter avec elle Notre-Dame d’Afrique, cette cathédrale moderne haut située au-dessus de l’azur méditerranéen. Là, je pris les Sœurs Blanches pour des Arabes, tant leur costume ressemble à celui des musulmanes. Ma sœur venait à peine de me détromper que, dans l’église, entrèrent l’une derrière l’autre quatre ou cinq femmes indigènes. Je les vis avec surprise se glisser dans un rang de chaises et lever l’index vers le ciel. Il est vrai que, derrière la Vierge Noire, reine de ces lieux, une inscription en lettres considérables offre à nos regards ceci : « Notre-Dame d’Afrique, priez pour nous et pour les musulmans. »

Lors de notre toute première visite, Alger, au mois d’août, unissait tant de chaleur à tant d’humidité qu’on y respirait comme dans un hammam. Je fus donc bien aise le jour où nous nous remîmes en route pour retourner à Tunis, ou plutôt à Carthage.