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Alger

Le port d’Alger, célébrité dans le monde entier, n’est évidemment plus qu’un emplacement où jadis s’éleva, rêve d’Orient, une surprenante ville dont plus rien n’est resté.

Derrière la capitale bien française qui s’étage au fond de cette baie lumineuse, parmi la danse des couleurs et reflets non changés, eux, et continuant à se répondre entre le ciel et l’eau marine, se tient un fantôme invisible : Alger avant la conquête.

Dernier vestige, la grande Mosquée, centre immaculé qui vit autour de soi disparaître l’amas blanc de tant d’architectures arabes, n’a plus l’air, dans l’agglomération d’immeubles qui l’écrase, que d’un restant quelconque d’exposition universelle.

En visitant la casbah, bien sûr, on retrouve formes et couleurs islamiques — un Islam pourri d’européanisme où s’allient la puanteur et les colliers de jasmin. Mais le reste n’est que du vieux neuf, c’est-à-dire une ville usagée déjà, mais sans aucune patine.

Certes, à Tunis (notre seconde expérience de colonisation africaine), le ménage a, si l’on peut dire, été beaucoup mieux fait. La ville arabe, respectée, n’a pas souffert de la brutale substitution qui fait disparaître à jamais tout un vénérable et prestigieux passé pour édifier à sa place un présent sans histoire ni beauté. Troisième expérience, le Maroc, surtout entre les mains d’un Lyautey, se devait d’être la perle de notre Afrique du Nord, et l’a prouvé jusqu’à présent, d’après les élites qui l’ont