tasia, deux cents cavaliers surgis au galop de charge du fond de l’espace blond et s’arrêtant en bloc devant la tribune d’honneur, tous les chevaux cabrés au maximum dans le vol des burnous blancs traversés de soleil.
Il vaut mieux me souvenir d’une petite histoire bien significative quant à l’âme orientale.
Pour nous diriger à travers le désert jusqu’à Sidi-Okba, nous avions pris comme guide celui qu’à Paris nous recommandait si chaudement André Gide (une des silhouettes de son œuvre, du reste). C’était un jeune garçon un peu négrifié, très orgueilleux de savoir parler français à peu près correctement.
Nous avions déjà fait plus de la moitié du parcours, somnolents à force de lumière et de vide, quand, à l’horizon, apparut, venant vers nous, la biblique silhouette d’une Bédouine. De si loin, Ahmed la reconnut. « C’est ma mère !… » annonça-t-il.
Sitôt assez proche, elle s’élança, commença par baiser la main de son fils qui ne descendit pas pour cela de sa mule, puis vint nous baiser aussi la main avec tous les compliments qu’il fallait. Et la voilà qui se met à marcher devant nos bêtes, sans jamais se retourner, les bras ouverts, la tête renversée, tout en proférant de sa voix profonde d’Arabe vieillissante, des paroles véhémentes et comme incantatoires.
Saisie par la beauté de ses gestes lourds de voiles et de bracelets d’argent, sorte de danse sombre et solitaire sur l’écran du plein soleil saharien, je regardais et j’écoutais.
— Elle est hadji !… nous confia tout bas Ahmed, ce qui signifie avoir fait le voyage de la Mecque.
Et son regard se fanatisa.
— Qu’est-ce qu’elle dit ?… demandai-je, aussi tout bas.
J. C. M. écouta mieux, puis me traduisit.
— Elle raconte le rêve qu’elle a fait cette nuit. Elle voyait son fils Ahmed vêtu d’or, assis sur un trône d’or, et tous les rois de la terre prosternés à ses pieds.
Oui !… fit Ahmed en se tournant vers moi. C’est à fait exact !