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Biskra

Constantine avait confirmé mon impression : les villes de l’Algérie, emprise catégorique d’une France démodée, ne gardaient rien de leur long passé musulman. Banales sous-préfectures de chez nous, petite bourgeoisie française installée à la place d’un Islam sans doute somptueux mais à jamais disparu, le soleil d’Afrique lui-même, à ces villes sans siècles, ne parvenait pas à conférer quelque personnalité.

Je ne retrouvai le sentiment du voyage qu’en remontant à cheval au seuil du Sahara dont nous allions enfin connaître la couleur, l’odeur, les horizons indéterminés.

Il ne s’agissait encore que de Biskra, pourtant ; Biskra, ce vieux cliché, cette compote de littératures internationales, Biskra, ses Ouled-Naïl, son village nègre, ses touristes, son Garden of Allah, ses Bédouins photographiés.

Le désert feutré, de couleur léonine, commença sous les sabots de nos montures. Notre entrée crépusculaire dans El Kantara saturée de mimosas et de cassis (mimosas géants) fait partie des grandes émotions de mon passé. Une porte toute grande s’ouvrait sur Ailleurs. Les brumes froides de l’Edough, c’est évident, avaient préparé cette intense sensation de tiédeur, de douceur, de bien-être au cœur même des plus délicieux parfums.

Je ne vais pas à mon tour chanter ici mon petit couplet sur Biskra. Ce fut là pourtant que me fut révélée la fan-