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El Arab

sionnée. Exactly so ! Je vous l’avais bien dit tout à l’heure !

Et voici la dernière des fêtes que j’aie, au cours de deux années, connues à la Marsa, ne devant plus qu’en Égypte, et beaucoup plus tard, retrouver Nazli Effendi.

C’est en l’honneur de son frère Mustapha pacha. Même des danseuses ont été commandées. Après un repas plus magnifique que tous les autres, la soirée commence.

Mustapha pacha, gros, court, boudiné dans son smoking mais coiffé du tarbouche, le visage barré par une moustache considérable et retroussée, grisonnant avec des yeux qui flamboient encore, a exigé que je sois assise à son côté dans un fauteuil de cérémonie tout semblable au sien ; et tous deux, isolés du reste de l’assistance, nous allons regarder les meilleures danseuses de Tunis exécuter devant nous, tournant le dos aux autres spectateurs, leurs pas les plus compliqués, accompagnées par un savant petit orchestre arabe.

Mustapha pacha, que je n’ai jamais vu, ne reverrai jamais, me fait des déclarations d’amour. Elles ne vont pas plus loin que : « Vous êtes un ange ! » murmuré sur tous les tons avec des regards incendiaires. Mais, pour bien me prouver l’intérêt qu’il me porte, pas une fois il ne daigne même jeter un coup d’œil sur les danseuses.

Elles sont trois. C’est pour lui seul qu’à tour de rôle elles dansent sur place, et tout contre ses genoux, ce qui est, dit-on, la danse de Salomé devant Hérode. Le visage grave, les bras immobiles et rejoints devant leur visage, elles semblent ignorer de quelles diaboliques convulsions sont agités leurs corps et comment sont secoués leurs seins, et de quel mouvement inexplicable leurs cous s’en vont de droite à gauche et de gauche à droite avec des rengorgements de pigeonnes. La plus jolie, qui est aussi la plus jeune, a des cheveux qui traînent jusqu’à ses talons. Le ’oûd, le naï, la camanga, la daraboukka font