Page:Lucie Delarue-Mardrus - El Arab.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
El Arab

saient au contraire beaucoup, me fût-il affirmé. Leurs précieux habillements étincelaient de bijoux magnifiques. Elles avaient un rond de rouge vif à chaque joue ; leurs sourcils, rejoints par un trait de peinture, ne formaient plus qu’un seul immense sourcil au-dessus des yeux à l’antimoine ; leurs dents avaient été soigneusement enduites d’un brillant vernis noir.

Comme allait commencer la musique, je m’informai de la fiancée. Pourquoi ne l’avait-on pas encore aperçue ?

— Venez la voir !

Dans une toute petite pièce, en haut, elle était enfermée en pleine obscurité, les deux mains enfoncées dans des sacs de velours froncés aux poignets.

— C’est pour que le henné prenne sur ses ongles…

— Mais pourquoi seule dans l’obscurité ?

— Parce que c’est comme ça.

La Roumia n’en savait pas plus long. Il me fallut bien des mois, mais je finis un jour par connaître la vraie réponse à ma question.

La fille qui va se marier bientôt doit manifester une sorte de pudique honte qui, de même qu’elle l’éloigné des fêtes, lui commande, entre autres choses, de détourner la tête ou de baisser les yeux chaque fois qu’elle se trouve devant son père. Question de bienséance.

Ainsi, de toute cette soirée donnée en son honneur, la pauvre fillette ne voyait rien, sinon les silhouettes mal distinguées des invitées qui, de temps en temps, venaient comme nous la saluer. Victime consentante, elle acceptait sans en souffrir cet éternel protocole musulman dont, partout, sans cesse, se retrouve la rigueur séculaire, et sous les formes les plus inattendues.


Dans bien des harems j’ai connu bien des fêtes depuis cette toute première-là. Je crois qu’aucune ne me parut plus singulière.

Et Dieu sait pourtant ce que me réservait l’Égypte !