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Tunis

d’autorité le surveillant farouche en même temps que le protecteur de toute musulmane, même celle qui ne fait que passer dans la même rue que lui.

À Constantinople, avant Kémal Pacha, le moindre passant s’arrogeait le droit de gourmander vertement toute femme, voire de la plus haute caste, si son voile n’était pas assez strict ou sa tenue pas assez réservée.

… Élément féminin d’une maison. Donc, sans le savoir, les Roumis en ont tous, des harems. C’est l’épouse d’abord, ensuite les filles, la mère, la belle-mère, les sœurs, les tantes, même les servantes, tout un monde familial, qui n’a rien à voir avec l’imagination européenne.

Le harem peut également ne représenter qu’une unique femme. Quand on dit en arabe : « J’ai vu passer trois harems », cela veut dire tout simplement trois dames.

Il est vrai, selon le Coran, qu’un musulman a le droit d’avoir quatre femmes légitimes. Mais il est extrêmement rare qu’il en ait même deux, pour plusieurs raisons dont la principale est qu’il lui faudrait être bien riche pour s’offrir un tel luxe (c’est la même chose en Occident, d’ailleurs,) la première épouse n’admettant pas, dans les classes aisées, de vivre en commun avec la seconde. Donc deux installations, deux trains de maison. Que serait-ce s’il en fallait quatre ! Et quelles jalousies, en outre ! Il ne faut pas croire qu’une musulmane, dans son intérieur, soit si commode que ça.

Quand la première femme est reconnue stérile, il peut arriver pourtant que le mari s’en adjoigne une plus jeune. Mais c’est surtout dans le bas peuple qu’il use de ce droit, et alors tout s’arrange.

En effet il arrive presque toujours que la première épouse, si l’autre devient mère, adore et soigne l’enfant comme si c’était le sien. Car, la maternité, c’est, et dans toutes les classes, le souci majuscule, l’orgueil, la vanité des femmes de l’Islam. La première question par elles posée à l’étrangère qui vient les voir : « As-tu des enfants ? »

Que de mines consternées, que de hochements de tête