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La Syrie

l’Algérie, visages qui rappellent celui de l’ancêtre, en dépit de la redingote et du faux-col.

Or, Abd-el-Kader ayant exigé d’être enterré sans aucun faste (dernière dignité de vaincu peut-être) fut, lorsqu’il décéda, porté de nuit, presque clandestinement, dans ledit mausolée où sa petite tombe, modeste pierre, n’est recouverte, dans son coin obscur, que d’une étoffe de velours vert sans dorures ni inscriptions.

On ne comprend pas très bien. Pourquoi dans ce mausolée dont la gloire l’écrase encore un peu plus ?

C’est un admirable petit monument où la sépulture du saint se cache derrière une haute grille orfévrée d’or pur et d’argent, et qui semble à jamais scellée sur un trésor sacré.

Lieu de pèlerinage, en effet, le sanctuaire est réputé pour rendre aux femmes stériles la fécondité. Nous eûmes la chance d’en voir une opérer selon les rites. Au lieu d’entrer là-dedans debout sur ses pieds, ce fut en se roulant par terre qu’elle atteignit la précieuse grille, avec des efforts extraordinaires pour parvenir, sans s’aider de ses mains, à la toucher de son ventre.

Certes, la vertu du saint ne peut être qu’immanquable quand on sait quel extraordinaire miracle fut le sien, aux temps lointains où il était en vie.

Un mécréant s’approche de lui, certain jour, et dit : « Mohammad, ton Prophète, n’est qu’un imposteur. »

Le saint ne manifeste pas séance tenante son indignation. Simplement il répond :

— Répète ce que tu viens de dire !

L’autre répète. Le saint :

— Va faire tes ablutions. Purifie-toi des pieds à la tête, et viens me le redire une troisième fois !

Le mécréant s’exécute, puis revient, et recommence : « Mohammad, ton Prophète, n’est qu’un imposteur. »

Alors, seulement alors, le saint allonge sa main et le touche à l’épaule. Et le malheureux est à l’instant devenu enceint… de six garçons et de six filles, qu’il a mis au monde, les garçons par un côté, les filles par un autre.