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La Syrie

heures en attendant de repartir, formaient une légère forêt sans feuilles où le croissant de la lune, quand vient le crépuscule, semble se prendre dans une toile d’araignée sidérale.

Cependant, la nouvelle ayant circulé : « Tout le monde dans le salon des premières demain matin à sept heures pour la visite médicale », ennuyés d’avoir à nous lever si tôt :

— Pourquoi sommes-nous en quarantaine ?

Le commandant parut surpris.

— Mais c’est à cause de vous, voyons !

— À cause de nous ?… Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

— Bien sûr ! Vous arrivez d’Assoûan, n’est-ce pas ? Et vous savez bien que la peste couve toujours, là-bas !

Donc, les responsables du désespoir de tous, c’était J. C. Mardrus et moi ? Si les passagers l’avaient su !

Mais il y eut mieux.

— Comme c’est désobligeant, dis-je, d’être forcés de se lever de si bonne heure demain !

— Eh bien ! dit le commandant, vous n’avez qu’à ne pas y aller ! Restez donc tranquillement couchés. Personne ne s’apercevra de rien.

De sorte que tout le paquebot, le lendemain matin, à cause de nous, alla dans le salon des premières tirer la langue et se faire tâter le pouls, — sauf nous.

Les souks de Beyrouth n’ont rien qui ressemble à ceux de Tunis. Ils me parurent gluants et noirs. L’aspect plutôt européen du reste de la ville rendait presque insolite la circulation des musulmans aux riches couleurs, des musulmanes au voilage hermétique sous lequel les yeux eux-mêmes sont cachés.

Manteaux longs rayés, ceintures voyantes au-dessus de la large culotte, tarbouches écarlates, moustaches retroussées en croc, le masculin islamique de la Syrie