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Louxor

core les richesses agricoles de l’Égypte, témoignage de l’âpreté au gain des Roumis ; que le barrage du Nil, attentat criminel contre l’île de Philae, le joyau le plus intact de la terre pharaonique, avec son temple en parfaite conservation au milieu des fleurs et des arbres odorants ; — que le barrage du Nil n’est, après tout, que la réalisation du lac Mœris, œuvre chimérique imaginée par le premier roi de la première dynastie.

Je suis heureuse d’avoir vu Philae avant la submersion totale, qui doit maintenant être depuis longtemps accomplie.

Des cimes de mimosas émergeaient encore en même temps que les trois quarts du temple dont toute la base était déjà dans l’eau.

C’était en barque qu’on y entrait, en barque qu’on s’arrêtait à détailler ce sanctuaire aux sept seuils où la déesse Isis semblait peinte tout fraîchement sur la muraille du fond, immense fresque tragiquement gagnée par l’inondation artificielle des Anglais.

Les pieds de la déesse condamnée trempaient déjà dans le flot sans cesse montant. On ne pouvait s’empêcher de s’indigner devant un tel sacrilège. Il était peut-être temps encore d’arrêter l’irréparable ?

À présent, sirène du Nil, Isis est à jamais descendue dans ses profondeurs. Que nous parle-t-on toujours de la ville d’Is engloutie ?

… Mais est-il exact que ce barrage impie n’ait donné que de maléfiques résultats, que le débordement supplémentaire du Nil, non prévu par la nature, ne produise que moissons pourries ?

Cette histoire paraît trop belle pour être vraie.


Dernière vision du sud, adieu Philae ! Adieu l’Égypte, même ! Retournés vers le nord, c’est à Port-Saïd que nous allons, dans peu de jours, nous embarquer pour la Syrie.