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Louxor

culés comme des archanges, ils se prosternent d’un seul mouvement, front touchant le sol, unanime adoration de leur Dieu, juste avant de commencer le travail de la journée.

Ils ne savent pas que nous les avons vus. Et nous nous dépêchons de disparaître, nous, avec le sentiment d’avoir commis une indiscrétion.

Plus nous descendions vers le sud plus se rétrécissait la terre cultivable. On eût dit le désert faisant tout ce qu’il pouvait pour regagner sa place envahie par les moissons. À certains endroits ce n’était plus qu’une étroite plate-bande où l’ourlet verdoyant du fleuve diminuait sans cesse de largeur, à mesure que la chaleur augmentait et que le sable infini serrait de plus près les récoltes.

C’est que l’Égypte, ce « don du Nil », selon le mot d’Hérodote, est un pays où tout semble s’étirer en longueur, comme le fleuve lui-même qui, sans affluents, court de sa source à la mer. Un sarcophage, pensais-je.

L’Égypte ? Perpétuel miracle. De même que le soleil y retient l’élan de toutes les pestes, le Nil empêche le désert de reprendre son droit de mort sur toute chose fraîche et verte. Si le Nil cessait un jour de couler, il ne resterait de l’Égypte que néant dans la lumière.


Éléphantine, heureusement, nous réservait un abri contre l’excessive température. Son hôtel s’avançait comme une proue jusque dans les bouillonnements de la première cataracte.

Terre sphingienne, l’île fait effort pour transformer ses rochers à l’image du grand chat à tête humaine qui couche plus haut, du côté des Pyramides. Pas la moindre pierre qui n’ait déjà l’air d’un commencement de sphinx.

Sur cette cataracte, un nautonnier noir au type grec, caractéristique des Barbarins, nous promène dans sa fra-