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Le Caire

malheur se retourne contre les empoisonneuses. Témoin ce musée de toxicologie, entièrement fourni par des procès criminels.

Quelque chose de plus harmonieux…

Une de mes dernières promenades en compagnie de quatre ou cinq hanoums. Mes amies voilées me semblent, sortis de sarcophages, des revenants. Nous avançons à pied dans le crépuscule. Le soleil tombe de l’autre côté du Nil. Les pyramides de Sakkara, vaporisées par la distance, deviennent doucement violettes parmi des groupes de palmiers. Une étoile se dépêche déjà de naître dans le creux du couchant.

Sur le fleuve couleur de lait se tient une barque immobile et sombre. Le reflet de la voile, dans ce Nil, s’ouvre comme une seconde aile ; de sorte que la barque compose avec son reflet un immense papillon noir dont une aile palpite dans l’air et l’autre dans l’eau.

Au milieu de ce paysage resté le même, mes amies sont vraiment l’Égypte telle que nous l’imaginons quand nous regardons les belles momies dorées. Toutes frémissantes de jeunesse, elles ont l’air d’avoir dix mille ans.