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El Arab

nines, avaient sans exception un poignet cassé, sinon les deux, fracture raccommodée d’elle-même et presque toujours fort mal.

C’était donc à nous, contemporains, qu’elles racontaient leur pauvre secret, ces dames d’avant l’Histoire ! Poignets cassés parce que mis en avant, mis en avant pour protéger les visages ; donc femmes maltraitées par leurs maris.

Je conserve dans mes reliques orientales la petite tresse de cheveux teints au henné coupée de ma main sur la tête desséchée d’une de ces malheureuses.


— Puisque vous êtes là, dit le docteur Keating, je veux vous faire visiter mon musée de toxicologie. Ça, c’est du moderne. Mais quelle révélation encore ! Songez que l’Égypte est le pays où l’on empoisonne le plus. Et avec quelle hypocrisie ! Regardez plutôt ! Il est vrai que ce sont les femmes (je parle des musulmanes du bas peuple) qui se chargent presque toujours de la besogne.

Les tasses de « mauvais café », breuvage fort connu dans tout l’Orient et dont le sultan Abd-el-Hamid, à Constantinople, se fit jadis une spécialité, ont honnêtement laissé dans le fond de la porcelaine leur arsenic parfaitement visible. Mais voici le chef-d’œuvre du genre. Comment le déceler, cet arsenic, imperceptibles petits grains introduits dans ces figues absolument intactes, même restées à l’arbre, et qui contiennent la mort de qui, les ayant cueillies, les mangera ? De même ces cannes à sucre et autres végétaux.

Les figues, c’est pour l’enfant de la voisine, trop beau, trop bien portant, et, de plus, un garçon, quand moi je n’ai que des filles. Les cannes à sucre et le reste, c’est pour le bétail mitoyen, car, chez nous, nous n’avons même pas un buffle. Il ne fallait pas tant s’enorgueillir et nous regarder passer avec ce dédain. Malheur à eux !

Mais, si la justice vient à s’en mêler, il arrive qui le