Page:Lucie Delarue-Mardrus - El Arab.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
208
El Arab

« Bamba ne vivra pas vieille, dit-elle entre autres choses, car elle a la maladie des os enrhumés. Et mon cœur s’en réjouit. »

Cependant j’eus l’occasion, peu de temps après, de les voir toutes deux ensemble dans un harem ami. Voilà leur rencontre : Elles se jettent, dans les bras l’une de l’autre en s’appelant : « Ma sœur. »


De tous ces poissons rouges qui moururent l’un après l’autre au fond de leurs bocaux trop étroits, je ne sauvai qu’un seul, le plus petit, qui, logé dans une ancienne bouteille pharmaceutique de couleur bleue, finit, à force d’évoluer dans cet éternel clair de lune, par devenir bleu lui-même jusqu’à ce qu’il mourût à son tour, mais beaucoup plus tard, en Haute-Égypte où je l’avais emporté.

J’ai beau labourer ma mémoire, je n’y puis retrouver à quelle date, cette année-là, fut célébrée la grande fête du Mouled ou Nativité du Prophète.

Cette imitation de notre Noël, relativement moderne et peu orthodoxe, somme toute, varie d’une année à l’autre, les mois musulmans étant lunaires. Peut-être était-ce en février, car la température du Caire, cela je m’en souviens, était à ce moment-là fort agréablement tempérée.

J’entendais beaucoup parler du Mouled dans mes harems amis. Car je n’avais pas plus abandonné Bamba pour Ouassîla que les jeunes dames turques pour la vieille princesse Nazli. Je les voyais les unes et les autres aussi souvent que je pouvais, aux jours et aux heures où les âniers et le Vieux Caire ne prenaient pas toute la place.

Or le soir arrive tout naturellement où Nazli nous invite ensemble au Mouled qui va se célébrer chez elle. C’est juste comme nous venons de changer d’hôtel, abandonnant le Shepherd pour le Savoy (dans le hall