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El Arab

vit, de quelle voix douce la plus jeune d’entre elles murmura comme pour elle-même : « Chez nous on dit : « Ça ne noircit pas le tarbouche, et ça ne remplit pas le ventre… »

Revoir Nazli Effendi ! Ce bonheur me fut annoncé par Sett Bamba sur le ton maussade que lui suggérait une noire jalousie.

— Tu parles toujours de Sett Ouassîla. Elle est ici au Caire depuis hier avec la saïeda Nazli.

Tout ce qu’elle ajouta de trop compliqué pour moi me fut traduit par les hanoums amusées. « Elle dit qu’on ne va plus vous voir, puisque vous allez retrouver votre chanteuse préférée, mais que, maintenant que vous avez entendu Bamba, la voix de Ouassîla ne sera plus rien pour vous. »


Dans sa demeure encensée à la manière d’une église comme toutes les habitations de luxe de l’Islam égyptien, Nazli, toujours la même au fond de son col Médicis les cheveux toujours roses et toujours surmontés d’un papillon de tulle, nous reçut de tout son sourire écarlate et retroussé, de toute sa lisse pâleur, de tout son regard plus que clair sous des sourcils restés si noirs. Une dame d’un certain âge s’était levée en même temps qu’elle pour nous saluer. Nazli n’éprouva qu’au bout d’une demi-heure le besoin de nous la présenter. « Ma sœur », dit-elle sans rien de plus.

Aucune ressemblance entre les deux. Effacée comme une parente pauvre qu’elle était certainement, cette cadette n’avait rien qui rappelât l’impériosité, l’autorité de son aînée. Sans doute n’était-elle pas fille de sultan. Elle habitait généralement la France, et sa tournure, ses manières d’être le faisaient bien voir.

L’entrée, dans le salon, de Ouassîla ravie de nous revoir, avant rejeté dans l’ombre cette sœur modeste et