des harems équivalents de Constantinople. Je n’y rencontrai qu’une seule incompréhension, mais celle-là têtue autant que farouche pour ne pas dire haineuse.
Elle venait d’une certaine princesse Iffet Djélal soi-disant plus modernisée que toutes ses pareilles. Je m’évoque, sans aucun détail omis, assise toute seule en face d’elle dans son petit salon si français. Vêtue d’une austère robe noire, élégante et bien coiffée, la longue chaîne d’or de son lorgnon lui servait de fouet pour accompagner les gestes nerveux qu’elle ne cherchait même pas à réfréner.
— Si j’étais appelée à visiter dans leur pays des dames chinoises, par exemple, il ne me viendrait jamais à l’idée de remarquer et encore moins de raconter au retour ce qui m’aurait paru chez elles étranger ou bizarre !… C’est comme votre Marcelle Tinayre ! Elle vient de publier un livre sur ce qu’elle a vu en Turquie. Au lieu de nous faire part du degré de civilisation moderne de ce pays, elle raconte mille choses inutiles appelées à disparaître avec le progrès, et qui ne sont d’aucun intérêt pour personne. D’ailleurs je me demande quel genre de gens, elle et vous, vous ont intéressées vraiment dans vos voyages ! Ce que vous nous avez raconté de ces femmes de Scutari qui prenaient le thé sur la tombe de leur grand-père est absolument faux ! Une chose pareille n’a jamais existé en Turquie, Dieu merci ! Et, même si c’était vrai, pourquoi le raconter ?
Impossible de lui faire comprendre qu’elle était, parlant ainsi, plus loin de l’Europe, plus barbare que les esclaves noires de Kénadsa dans le Sud Marocain. Je laissai courtoisement sa pédante colère s’exhaler. Une féerie vint tout à coup me récompenser de ma patience : l’entrée de cette visite annoncée par trois claquements de mains, yachemack aux roses voilées, mince silhouette de satin noir, toute jeune femme si belle que « ça n’avait pas l’air vrai ».
Telle m’apparut pour la première fois la princesse Yousri, l’épouse du futur roi Fouad.
La mousseline écartée révéla le visage en son entier,