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Le Caire

envahissantes dans la vallée du Nil révèle ses empreintes variées. Traduisons par un unique mot : cosmopolitisme.


C’est d’un seul coup que je devais faire la connaissance de toutes ces grandes dames musulmanes du Caire dont beaucoup furent ensuite de vraies amies pour moi.

Le Prince Fouad, plus tard devenu roi, venait de fonder l’Université Égyptienne, une hardie nouveauté qui n’étonnait pas trop de sa part. Il me pria d’inaugurer la salle de conférences de cette université par une causerie exclusivement réservée aux harems, manifestation sans précédent.

Je n’avais jamais fait de conférences de ma vie. Parler pour la première fois devant un auditoire, c’est déjà beaucoup ; mais, quand, de cet auditoire, on ignore absolument tout ; quand on sent, en outre, peser sur ses épaules le grand honneur qu’on vous a fait de vous choisir pour représenter la parole française en pays aussi solennel que lointain, l’aventure devient redoutable.

Dans le jardin de l’Université je dus passer entre deux rangs d’eunuques, ceux de ces dames. Au premier coup d’œil sur la salle, de me voir attendue par tous les blancs voiles du visage et tous les yachemacks du Caire, je fus d’abord assez glacée. Une assemblée de sphinx, c’est impressionnant.

J’avais décidé de parler à ces harems… des harems fréquentés ailleurs. L’attention pleine d’intelligence et de bienveillance avec laquelle je fus écoutée dès les premiers mots me réconforta sans attendre, et je pus tout de suite abandonner mes notes écrites pour parler librement, cordialement, sans autres guides que mes souvenirs encore si proches de l’Afrique Mineure et de la Turquie.

Dès le lendemain de cette séance sensationnelle, je commençai de tourbillonner dans les salons des dames turques.

Leur température intellectuelle était identique à celle