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Le Caire

tées, sans sourire, aussi naturellement qu’elles allongent une jambe après l’autre.


De la fenêtre de ma chambre je vois un matin une équipe de musulmans travailler aux rails du tramway. Sur trois mots prononcés à l’unisson, les pioches se lèvent ensemble, retombent ensemble et de nouveau se lèvent ensemble. Un mouvement par mot, et toute la précision d’un ballet.


Dans ce petit cimetière arabe que nous visitons, entre, au crépuscule, tout un flot de turbans blancs. Ce sont des ouvriers qui partent demain, nous disent-ils, pour des travaux en Haute-Égypte. Ont-ils leurs morts dans ce cimetière ? Nous les voyons, debout les uns contre les autres dans le soleil couchant, commencer une lente danse sur place, une danse parlée, une danse dont l’ensemble est absolument parfait.

— Ça, dit J. C. Mardrus, c’est le zicre ; une cérémonie que tu verras tout le temps en Égypte.

Le zicre de ces ouvriers, c’est parce qu’ils partent demain pour l’inconnu. C’est un zicre d’inquiétude. D’autres auront un motif différent. Événements, espoirs, regrets, prière, les causes varient. Quelles qu’elles soient, il faut que l’Égypte dansante manifeste à sa façon devant la destinée — une façon qui vient sans doute de bien loin.


Et que dire des enterrements qu’on voit passer dans les rues au pas de course, les porteurs du cercueil se relayant sans jamais s’arrêter, avec l’aisance d’hirondelles en plein vol migrateur ?

Enveloppée de couleurs flottantes, la bière a l’air de voler au-dessus des bras qui l’élèvent. « La illah ilallah ! » scande la foule des suiveurs (il n’y a de Dieu qu’Allah !). Et, derrière ce cortège qui va comme le vent, dans une