Page:Lucie Delarue-Mardrus - El Arab.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
Le Caire

depuis notre arrivée vint un soir nous chercher au Shepherd.

— Je veux vous montrer la petite maison que j’ai tout près de la ville. J’y vais quelquefois prendre un café. C’est une gentille promenade, vous allez voir !

La lune était dans son plein. À la sortie de la ville nous enfourchâmes chacun un petit âne, les âniers courant derrière leurs animaux selon la coutume. Où nous menait-on ?

Hormis notre cavalcade toute vie s’est endormie en silence. Nous trottinons assez longtemps. Enfin voici les grilles où nous nous arrêtons. Les ânes et les âniers laissés dehors, nous pénétrons dans une grande cour sablée. Au bout de quelques pas nous voyons le pacha, comme dans les Mille et une Nuits, écarter le sable avec son pied et découvrir une large dalle et son anneau. Les marches attendues paraissent, s’éclairent à l’électricité. Derrière notre hôte, docilement, nous descendons. Une porte s’ouvre…

Tant de mystère pour aboutir au petit sous-sol dans lequel il nous introduit ? C’est une espèce de parloir. Des bancs rembourrés font le tour des quatre murs. Dans ce coin, préparé par d’invisibles mains, le café turc, les cigarettes, des douceurs.

Un coup d’œil de plus : chargé d’étoffes de soie aux riches couleurs, juste au centre de la pièce un catafalque se dresse, sommé du turban vert des pèlerins de la Mecque.

Sans plus s’occuper de nous, solennel, le pacha fait trois fois le tour de la funèbre chose, s’arrête devant un Coran posé là, l’ouvre, lit à mi-voix en nous tournant le dos, referme le livre… et revient à nous avec son sourire le plus mondain.

— Asseyez-vous donc, je vous en prie, mes amis ! Nous allons nous restaurer un peu tous les trois !

Explications demandées et gracieusement données : ce catafalque est celui du père du pacha. Juste au-dessous, dans une profonde crypte correspondante, le cher défunt repose.