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Tunis

En 1904, à Marseille, je m’embarquais avec le docteur J. C. Mardrus pour Tunis. Ce n’était pas de tourisme qu’il s’agissait. Outre certains documents coraniques que mon mari projetait de chercher dans les milieux musulmans, nous souhaitions tous deux oublier pour un temps Paris et la littérature.

J. C. Mardrus, avant notre mariage, avait déjà fait ce qu’on appelle le tour du monde ; cependant il ne connaissait pas l’Afrique du Nord. Moi je ne connaissais rien du tout. De part et d’autre nous levions l’ancre pour de la nouveauté.

Tunis sait fort habilement ménager ses surprises. Le port, le parcours vers les hôtels, la ville française tout entière, cette arrivée ne laisse rien deviner. Aucune émotion. Mais Bab-el-Bahr ou « Porte de la Mer » sépare le monde arabe du monde européen. Passée cette porte, après quelques pas à travers le quartier maltais, on se trouve en plein Islam. Je ne crois pas qu’on ait rien changé, depuis, à ce contraste sensationnel.

En 1904, pénétrer dans les souks, étroites rues couvertes, ombre fraîche étoilée de ronds de soleil, c’était faire tout éveillé ce rêve : se trouver transplanté sans transition dans un monde embaumé de jasmin et de rose. Même en dehors du souk des parfums, ces essences