Page:Lucie Delarue-Mardrus - El Arab.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
147
Constantinople

Ce derviche irréel, vêtu comme dans les légendes, écrivant ses vers entre la verdure et l’eau sous l’ombrelle d’une belle branche, ce poète qui parle si suavement et si naturellement sa poésie intérieure, c’est le songe qu’on fait à l’état de veille, suscité par le rythme des rames, par de fuyants reflets trop longtemps regardés.


Pendant que nous rentrions à Péra, J. C. Mardrus me dit ce qu’il savait des Mewléwi, bien que n’en ayant jamais rencontré sur sa route.

Leur centre principal est Kônia, l’ancien Iconium, en Turquie, leur fondateur le poète persan Djélaleddîne-Erroûmi dont les distiques sont restés célèbres en Islam. Bien qu’ils soient musulmans, beaucoup de contrées islamiques, trouvant leur mysticisme inquiétant, les tiennent en suspicion. Le mot Dédé qui s’ajoute à leur nom, c’est un titre équivalent à Dom pour nos Chartreux et nos Bénédictins. Le Tekkié, c’est la salle très spéciale dans laquelle ils dansent. Car ils ne sont pas autre chose que ces derviches tourneurs dont la fantaisie occidentale nous entretient assez souvent mais dont, comme de juste, elle ne sait absolument rien.

Le lendemain, au Tekkié de Péra, je pus, ainsi documentée, suivre avec plus d’intérêt la cérémonie.

Cette cérémonie, qui se passe une fois par semaine, est ouverte à tous ceux qui veulent y assister, quelle que soit leur religion. Le public se tient debout dans le pourtour dont s’environne le plancher rond où les derviches exécutent leur tournoiement. Dans une galerie, en haut, sont réunis les musiciens, orchestre d’instruments turcs qui ne joue qu’une musique inspirée par les distiques de Djélaleddine-Erroûmi.

Pour me donner une idée de ces distiques, J. C. Mardrus m’en avait traduit un. Demande et réponse :