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Colomb-Béchard

Au large du Sahara, plus lointain que celui de la mer, surgissait lentement une immense forêt. On commençait à peine à s’émerveiller qu’un lac apparu soudain la reflétait tout entière. Pas pour longtemps, car séparée tout à coup en trois sombres tronçons, la forêt disparaissait, ne laissant à sa place qu’une lagune miroitante où, parfois, au premier plan, se reflétait à l’envers un Arabe monté sur son chameau. Quand, l’instant passé, l’illusion cessait, on découvrait que l’Arabe et le chameau si bien réfléchis dans l’eau qui n’existait pas ne s’étaient pas évanouis, eux, parce qu’ils étaient véritables.

Je ne quitterai pas Colomb-Béchar sans mentionner sa jolie petite oasis ni sans parler du déjeuner auquel nous invita tous un chef musulman des environs.

À ce déjeuner se trouvait Lyautey venu nous rejoindre. Notre hôte, beau comme un roi mage, seul Arabe du festin, présidait, sans doute assez étonné, mais sans rien en montrer, du flot de paroles qui l’environnait.

Au bout d’un moment, en effet, et le rayonnement de Lyautey se faisant sentir, une vive discussion littéraire s’était élevée.

Le docteur J. C. Mardrus profite d’une minute d’accalmie et s’adresse au musulman dans son plus bel arabe.

— Ya Sidi, nous parlons tous en français devant toi qui nous reçois si magnifiquement et qui ne peux nous comprendre. Nous voulons t’en demander pardon.

Il traduit rapidement ce qu’il vient de dire.

— En effet, s’amuse Lyautey, qu’est-ce qu’il pourrait comprendre à une discussion sur Voltaire et Anatole France ?

Mais voici l’élégance arabe.

— Quoi que vous disiez, répond le musulman, je suis avec vous de cœur dans la conversation.

Une fois cette réponse transmise :