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Aïn Sefra

bavarder pendant des heures pour ne rien dire. Il fallait la faire taire, et ce n’était pas facile. À la fin je la revoyais, avec dix sous pour s’acheter du tabac. Car elle était aussi pauvre qu’un Bédouin peut l’être quand il l’est. »


J’ai vu des portraits d’elle. Blafarde, de teint, le front excessivement haut et bilobé, caractéristique des mystiques, ses petits yeux enfoncés et noirs se relevaient en biais au-dessus de pommettes kalmoukes. Nulle coquetterie féminine, cela va de soi, sauf pour ses mains, lesquelles étaient admirables, et qu’elle soignait en dépit de tout.

Ce faux garçon n’était pas exempt de quelque vanité masculine. « C’est très embêtant. Toutes les femmes me courent après. Depuis deux jours que je suis à Alger, il y a déjà l’épicière qui me fait des agaceries. Et moi je ne peux pas la soulager, cette malheureuse ! »

Car ses données sur l’amour n’avaient absolument rien qui transgressât les lois de la nature. L’amour n’était pour elle qu’une satisfaction des plus naturelles et qu’elle ne demandait jamais qu’aux hommes. Musulmans ou chrétiens, elle s’adressait à eux quand ses sens la tourmentaient, sans cérémonies ni scrupules, avec la candeur d’un animal.

Une de ses aventures dans le désert fait travailler l’imagination. Cette histoire strictement authentique prend place à un moment de sa vie où, sans qu’elle y trouvât rien d’étonnant, elle était soldat à la Légion étrangère. Il ne semble pas qu’aucun de ses camarades le régiment l’ait décelée femme. Mais le lieutenant avait, toutes les raisons de connaître le secret de Mahmoud (le nom d’homme qu’elle s’était choisi par admiration pour le poète persan Mahmoud Saâdi).

Or il advint que, le régiment étant en reconnaissance fort loin de son point d’attache, Mahmoud, comme il lui arrivait parfois, se laissa naufrager dans une crise aiguë d’ivrognerie. Ivre-mort on le découvrit, couché dans un creux. Le lieutenant, prévenu, dut forcément sévir ;