Aïn-Sefra
J’avais assez goûté du désert déjà pour en garder l’inquiétude. Aussi le nouveau voyage qui se présentait après quelques mois de pause en France était-il pour vivement me plaire. En vue d’articles que demandaient divers journaux et revues de Paris, nous allions, dans le Sud Oranais, voir Lyautey, seulement général à cette époque, et qui commandait la division d’Aïn-Sefra, tout près des frontières du Maroc.
Ces frontières, du reste, se confondaient dans le sable avec celles de l’Algérie. Le Maroc était encore maître absolu chez soi. Farouchement, même, étant gardé par un Islam pas si commode que ça.
Rien que le type des Marocains, s’ils ne sont pas négrifiés, affirme leur caractère fermé, dur. Ce sont des traits serrés dans des visages étroits, émaciés encore par la coupe particulière de la barbe ; c’est une expression, si l’on peut dire, cadenassée ; c’est cette sorte d’austérité qui leur est propre, accentuée par leur vêture blanche et noire, par le capuchon dont ils se couvrent volontiers la tête et qui leur donne l’allure comme religieuse qu’ils ont. Et quel regard ! J’ai dit la sorcellerie maugrabine, les ravages qu’elle exerce dans les milieux maltais de Tunis.
C’est maintenant seulement qu’il m’est permis de raconter sans contrainte ce que je vis et compris pendant ce voyage. Trop de choses étaient dangereuses à dire quand la colonisation du Maroc en était tout juste à ses commencements.