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et, sous ce vain prétexte que nous manquons de gloire ou de monnaie, qu’une fille nous a trompés, nous attacherons la cravate que cette pauvre fille ourla peutêtre un soir, nous y passerons un cou ridicule, et…. Mais, afin d’élever en le résumant le curieux sujet de ces réflexions, qu’il soit permis à ma paresse d’exprimer en quelques mots tracés ailleurs le sentiment double que nous éprouvons dans les bois, et qu’on pourrait nommer l’antinomie de la solitude :

« Deux instincts puissants luttent éternellement au fond de l’âme humaine : l’instinct sauvage indompté, le moi irrationnel, c’est-à-dire la révolte ; et l’instinct de l’association, du sacrifice, du devoir, c’est-à-dire la Loi.

« Quand du haut d’un monument nos regards glissent au-dessus de la ville et découvrent les campagnes, quand nous entrons dans une forêt, quand, sur la plage, nos yeux se perdent parmi les profonds horizons des mers, un soupir s’échappe de notre poitrine ; on dirait que nous nous souvenons d’une condition antérieure, dont les sensations n’ont plus en nous qu’un écho affaibli ; nous voudrions prolonger cette vague réminiscence du premier homme, perpétuée dans toute l’humanité ; notre tête se relève d’un mouvement brusque et léger, la brute se réveille. Tout à coup un son lointain, le son d’une cloche, nous fait tressaillir : c’est la religion ; un roulement de tambour traverse les airs : c’est la patrie. Et si cela ne suffisait pas, la faim qui tord nos entrailles nous avertit que déjà la soupe fume