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jouissance. Ce qui est beau d’une certaine façon n’est ni plus ni moins beau que ce qui est beau d’une manière toute différente. Pour moi, je passerais ma vie ici sans regretter la Suisse, et réciproquement. Là où l’on se trouve bien, je ne comprends pas le besoin du mieux. Je ne sais pas si le proverbe est vrai d’une manière absolue ; je ne crois pas qu’il en ait la prétention, car les sentences sont toujours relatives. Mais, en fait de locomotion, de curiosité, de jouissance personnelle, je croirais volontiers que le regret ou le désir du mieux est un leurre de l’imagination malade. C’était bien le fait de Sénancour. Obermann est un génie malade. Je l’ai bien aimé, je l’aime encore, ce livre étrange, si admirablement mal fait : mais j’aime encore mieux un bel arbre qui se porte bien.

11 faut de tout cela : des arbres bien portants et des livres malades, des choses luxuriantes et des esprits désolés. II faut que ce qui ne pense pas demeure éternellement beau et jeune, pour prouver que la prospérité a ses lois absolues en dehors de nos lois relatives et factices, qui nous font vieux et laids avant l’heure. Il faut’]ue ce qui pense souffre, pour prouver que nous vivons dans des conditions fausses, en désaccord avec nos vrais besoins et nos vrais instincts. Aussi, toutes ces choses magnifiques qui ne pensent pas donnent beaucoup à penser

GEORGE SAND.