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personne à la ville. Nous avons un petit appartement très-propre et très-commode dans un hôtel qui est à l’entrée de la forêt et dont l’hôtesse, madame Duponceau, est une charmante hôtesse. J’y travaille le soir quand mon garçon ronfle, et ce gros sommeil me réjouit l’oreille. Je ne sais pas trop, moi, quand je dors, mais je n’y pense pas. Du reste, je vis de la vie rationnelle pour le moment ; je vis dans les arbres, dans le soleil, dans les bruyères, dans les sables, dans le mouvement et le repos de la nature, dans l’instinct et dans le sentiment, dans mon fils surtout, qui se plaît à cette vie-là autant que moi, et qui m’en fait jouir doublement. Quelle belle chose que cette forêt ! Sénancour l’a bien décrite dans certaines pages où il veut bien céder au charme qui s’empare de lui. Sa peinture large et bien tranchée est encore ce qui résume le mieux certains aspects. Mais il ne rend pas justice, dans toutes ses lettres, à ce beau lieu. Il le rapetisse comme s’il avait peur de le trop admirer. Il le voit à travers son spleen. Il veut qu’on sache bien que ce n’est pas vaste et accidenté comme la Suisse. A quel propos faitil ce parallèle, je ne sais. Certes, en tant que montagnes, celles-ci ne sont pas des Alpes ; mais, en tant que bois charmants, les grands pins de la Suisse n’ont pas les qualités propres à la nature de notre forêt : nature à la fois mélancolique et riante, et qui ne ressemble qu’à elle-même. On veut toujours comparer : c’est un tort qu’on se fait, c’est une guerre puérile à sa propre