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parcourut les rangs, agita les armes. Le général Petit, qui commandait la vieille garde en l’absence des maréchaux, homme de trempe martiale, mais sensible, s’avança, au signe répété de Napoléon, entre les rangs de ses soldats et son empereur. L’empereur l’embrassa longtemps. Les deux capitaines sanglotaient. Un sourd sanglot répondit de tous les rangs à ce spectacle. Des grenadiers s’essuyèrent les yeux du revers de leur main gauche. « Qu’on m’apporte les aigles ! » reprit l’empereur, qui voulait graver en lui et dans ce signe une mémoire de César. Des grenadiers s’avancèrent en portant devant lui les aigles des régiments. Il prit ces signes chers au soldat, les pressa contre sa poitrine, et les touchant de ses lèvres : « Chère aigle, « dit-il d’un accent à la fois mâle et brisé, que ce « dernier baiser retentisse dans le cœur de tous mes « soldats !

« Adieu encore une fois, mes vieux compagnons, « adieu ! »

L’armée entière fondit en pleurs, et rien ne répondit, qu’un long et sourd gémissement des troupes.

Une voiture ouverte, où le général Bertrand attendait son maître et son ami, reçut l’empereur, qui s’y précipita en se couvrant les yeux de ses deux mains. Elle roula vers la première station de son exil.

A. DE LAMARTINE.