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quelque chose d’effrayant, un quart d’heure bien difficile à passer.

« L’idée que moi, prêtre, à qui Ton accordait quelque talent, auquel on promettait un bel avenir, j’allais mourir de la mort d’une volaille qu’on saigne, d’un mouton qu’on égorge, sans avoir seulement un pauvre demi-collège, était pour moi un affreux supplice. Je pensais aussi à votre mère, à vous, à mon presbytère rebâti à neuf, et une larme me venait malgré moi au bord île la paupière ; mais je la réprimais, je la faisais refluer, je voulais mourir avec dignité. C’était peut-être un péché, mais j’avais l’amour-propre du sauvage qu’on va livrer aux tortures et qui brave encore ses bourreaux.

« Je vis le père Dinot qui ouvrait son couteau.

« — Monsieur Dinot, lui dis-je, encore quelques minutes, s’il vous plaît, je veux prier.

« — Pour qui ? me répondit-il.

« — Pour vous d’abord, parce que vous êtes mon assassin ; pour moi ensuite qui vais mourir sans qu’un prêtre m’ait dit : « Va, tes péchés te seront remis ; » pour ma sœur, pour les pauvres orphelins qui n’auront plus que Dieu pour père ; enfin, pour cet infortuné que vous allez me donner, sans doute, pour compagnon de cercueil.

» A cette dernière parole, le masque de férocité que Dinot avait mis sur son visage tomba tout à coup, il se mit à pousser de grands éclats de rire.