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cette mare le cimetière des Dinot. Jamais cette eau stygienne n’avait été explorée. Nul paysan n’eût osé dénoncer-les Dinot tant qu’un d’eux fût resté libre, et les magistrats du bailliage, eu supposant qu’ils ne craignissent rien pour leurs personnes, avaient aux environs de la forêt des propriétés sur lesquelles les parents des vaincus eussent pu exercer de désastreuses représailles.

« J’étais alors dans l’ardeur de la jeunesse ; nul ouvrier du Seigneur n’était plus infatigable que moi à cultiver son petit morceau de vigne céleste. Je me faisais une idée sublime de mes fonctions ; j’aurais volontiers salué ma soutane ; j’étais bargneux, intolérant, outré dans mon zèle, comme le sont malheureusement beaucoup de jeunes prêtres qui veulent être une copie de la grande figure des Apôtres et n’en sont que la caricature. Quoique je ne fusse pas moi-même bien courageux, cette lâcheté de tous m’indignait. Je regardais le silence des uns et l’inaction des autres comme une complicité.

« Un dernier meurtre ayant été commis dans la forêt avec la même impunité que les précédents, je m’avisai de tonner du haut de ma petite chaire contre ces hommes féroces qui vivent du sang de leurs semblables et je désignai si bien mes paroissiens du grand bois, que personne ne s’y méprit. C’était un jour de Pâques. L’aîné des Dinot assistait par hasard a la grand’messe. Je vis toutes ces noires et blanches surfaces de têtes,