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pour l’abattre ; et, de même que toi, loyal artilleur et bon chrétien, ne vois dans un lièvre qu’un civet ou qu’un rable artistement piqué de lard, ne voyant dans tout voyageur qui passait à leur portée que des sacoches plus ou moins pleines, qu’une ceinture plus ou moins garnie. Le père ne le cédait aux fils ni en force ni en adresse, et n’était guère plus avancé qu’eux en morale. Les Dinot s’étaient fait à dix lieues à la ronde une sinistre célébrité. Grâce à la terreur que leur nom inspirait, la forêt était devenue leur domaine. Ils y régnaient, comme règne le lion dans son désert. La maréchaussée, composée de gendarmes éclopés, ne faisait que de courtes et timides apparitions sur leur terrain, et les bûcherons eux-mêmes ne se souciaient pas beaucoup de travailler trop près des Dinot.

« Les Dinot, ainsi que je viens de le dire, habitaient au milieu du bois une petite maison que je crois voir encore : c’était une maison basse et trapue, n’ayant qu’une seule fenêtre grillée de fer et semblable, sous ce rapport, à un cyclope qui eût porté lunettes. Elle était bâtie entre un fourré de chênes et se tenait comme en embuscade sur la route. A côté de cette maison était une mare de mauvaise mine, profonde, couleur d’ardoise, surface sinistre à laquelle étaient collées, comme des emplâtres, de larges feuilles de nénuphar ; c’était, disait-on, le sépulcre que les Dinot donnaient à leurs victimes, et l’abîme où ils perdaient le butin qu’ils ne voulaient pas conserver. Les habitants du pays appelaient