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de Monaldeschi, grand écuyer de la reine Christine de Suède, qui vient de mourir par les épées ; nous l’alions, par ordre de Sa Majesté, enterrer là-bas, dans l’église d’Avon, sous le bénitier. » Ce n’étaient pas les carpes qui cette fois m’avaient répondu, c’était celui des trois hommes armés qui menait les autres, c’était Sentinelli. Je reculai tout effaré jusqu’au bassin des carpes, où elles murmuraient à demi-voix : « On doit se défier des amours d’Italien quand on est femme, et l’on doit se garder des amours de reine lorsqu’on est homme !… »

Il y avait alors de la lumière dans le petit pavillon du milieu de l’eau. « Louis XIV est là, reprirent les causeuses de l’étang, et avec lui nous avons vu entrer Louvois, Colbert, le chancelier Letellier, le père la Chaise et madame de Maintenon. Présentement, ils travaillent à la rédaction de l’édit qui révoque celui de Nantes, et qui sera signé demain. » Une sorte de plainte détacha brusquement mon attention du pavillon hexagone. « C’est un grand prince qui finit, » dirent les carpes ; et, dans une chambre du palais, je vis, tant les murailles étaient transparentes pour mes yeux, je vis le prince de Condé rendre à Dieu l’âme qui habitait son corps depuis soixante-six ans… Comme malgré moi, mes yeux revinrent au pavillon : « Il est donc là, me disais-je, Louis XIV, le grand roi ! — Il n’y est plus, interrompirent les voix du grand bassin : c’est un autre souverain illustre que notre pavillon loge en ce moment ; c’est Pierre le Grand de Russie. Il a voulu dîner