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cela lui viendrait en même temps que les moustaches, dont le duvet commençait à poindre. Il y avait encore une autre difficulté qu’il n’avait pas pu vaincre, c’était le froid. L’hiver était rude encore, et, dès le petit jour, il fallait aller à l’exercice pendant une heure, sans broncher, malgré le frisquet. Un jour, Antoine-Paul avait mal exécuté le maniement du quatrième temps. L’officier d’instruction lui avait infligé une heure de port d’armes au grand frisquet, sans broncher. AntoinePaul en avait l’onglée d’avance. Cette fois, AntoinePaul avait envie de pleurer pour de bon ; il eut beau se réchauffer en imagination au soleil de la gloire, le thermomètre restait cruel comme l’arithmétique et marquait toujours pas mal de degrés au-dessous de zéro. Pauvre enfant, il espérait vaincre les éléments, et il ne se doutait pas que, cinq ou six ans plus tard, le vainqueur de l’Europe devait lui-même se faire donner sur les doigts pour avoir commis la même erreur. Bref, Antoine-Paul finit par être gelé avec son rêve, et, au bout d’une demi-heure de port d’armes, vaincu par le froid, il roulait évanoui sur la terre glacée.

Le commandant, qui passait au même moment, le fit relever et porter à l’infirmerie en disant : « Oh ! il n’y a pas de mal, la fusil n’est pas cassé ; la cheune homme elle être plus endommachée que la fusil. » Ce commandant, d’origine alsacienne, était aussi insensible à un accident de cette nature qu’aux beautés de la langue française, qu’il écorchait avec art. C’était le gélieral