trop rien. « II faut bien que jeunesse se passe, disait-il, cela leur donnera du cœur au ventre ; cela vaut mieux que l’eau-de-vie pour s’étourdir. » Le commandant avait d’autant plus raison dans cette dernière partie de son raisonnement, qu’il était obligé de fournir les bouteilles d’eau-de-vie lorsqu’on lui en réclamait au moment de la sortie de l’École. La Marseillaise était donc tolérée par motif d’économie. Et puis, le moyen d’empêcher de chanter des jeunes gens dont les plus vieux n’avaient pas plus de dix-huit à vingt ans ! Un boulet ou une balle ne leur laissait pas le loisir de compléter leur éducation sur le champ de bataille. Souvent un bulletin de décès parvenait aux familles en même temps que l’avis de la sortie de l’École. Les <’-lèves avaient dressé eux-mêmes, sur les murs de l’École, un registre du départ de leurs camarades. Quelquefois une nouvelle assez triste circulait dans les rangs ; on répétait, en s’étudiahtà l’impassibilité : « Ce diable de tombereau n" 7 est passé au bien. » On savait ce que cela voulait dire ; on faisait une grimace de vieux troupier, et tout restait silencieux comme une tombe sur laquelle on a jeté la dernière pelletée de terre.
Antoine-Paul, qui avait passé la première moitié de sa vie à aller à la messe, au sermon et à vêpres derrière le cotillon de sa mère et de sa tante, se faisait plus brave que les autres ; mais il n’avait pas encore pu parvenir à se faire une grosse voix. Il espérait que