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voilé. Arrivés à un endroit planté de bouquets de chênes nains, ils déposèrent leur fardeau sur le bord de ce trou dans lequel j’étais tombé une heure auparavant, et j’avoue que ce souvenir me donna le frisson. Alors de l’horizon, rouge comme le feu, jaillit un premier rayon desoleil qui rasa la terre ; tout s’anima ; les bruyères humides de rosée s’éclairèrent de rellets de pourpre. En même temps ce petit vent frais qui souftle au point du jour et meurt comme un éphémère courut dans le feuillage et sur les pointes des genêts.

Les Bohémiens, qui semblaient attendre ce moment, enlevèrent le voile qui couvrait le visage de Frandj, atin que le soleil caressât une dernière fois ses yeux fermés, et tous ensemble ils se jetèrent la face contre terre en s’écriant à plusieurs reprises • « Frandj ! Frandj ! » Après cetappel lamentable ils descendirent le corps dans la fosse.

En cet instant retentirent près de nous des pas de chevaux et des détonations d’armes à feu, accompagnés de cris de joie, et aussitôt parut sur le sentier qui coupait le vallon une cavalcade qu’il était facile de reconnaître pour une noce. Nos campagnards se marient de bon matin, afin d’être heureux tant que le jour est long, habitude philosophique basée peut-être sur cette vieille maxime que le bonheur n’a pas de lendemain. La cavalcade, étonnée de ce qu’elle voyait, s’arrêta au milieu du sentier. Le marié était un robuste garçon de haute stature, portant ce costume local