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et l’habitude de la marche, il figurait un arc, dont son bâton était la corde. On croyait généralement qu’il se nommait François, parce que ceux de sa tribu l’appelaient d’un nom quiavaitàpeu près cette consonnance. Je crois plutôt qu’il s’appelait Frandj, mot d’arabe archaïque qui se prononce Frandjat.

Depuis longtemps les Bohémiens ont renoncé à so montrer dans les lieux habités, à cause des persécutions que leur attirait la loi sur le vagabondage. Tomber mort de lassitude dans un fossé, n’est rien pour eux ; mais être enfermé dans une prison, voilà leur épouvantail. Maintenant que tu connais les personnages qui vont figurer dans mon récit, je reviens à l’objet de ma lettre.

Un jour de l’automne dernier, je partis, vers les trois heures du matin, le carnier sur le dos, le fusil sur l’épaule, pour une partie de chasse dans la forêt. Quelques amis m’avaient donné rendez-vous dans une bergerie abandonnée et qui tombe en ruines. Le vallon où elle est construite passe, avec juste raison, pour un des endroits les pkis sauvages du pays. Pendant le jour, on n’y entend d’autre bruit que le tintement irrégulier de la sonnette d’un mouton perdu dans la fougère. Aussitôt qu’une forme humaine apparaît dans le vallon, le troupeau effrayé s’enfuit en désordre avec un tintamarre assourdissant ; on croirait voir la fougère courir et se précipiter ; le bélier seul lève la tête et fixe sur l’étranger ce regard calme et impudent, si bien rendu