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avec laquelle il ne restait qu’à contre-cœur, parce qu’il la savait magicienne. Résolu de la quitter, il prétexta un voyage flans la Hesse pour voir ses amis ; mais sa femme ne voulait pas le laisser partir, car elle craignait qu’il ne revînt pas. Il partit néanmoins. Après quelques jours demarche, un bouc tout noir vient derrière lui sur la route, se glisse entre ses jambes, l’enlève et le ramène, non par la grand’route, mais en droite ligne, à travers les fourrés et les clairières, les prés et les forêts, par-dessus les terres et les eaux, et dans l’espace de quelques heures, le dépose, éperdu, tremblant, suant, hors de lui-même, à la porte de son logis. Sa femme, en le voyant, lui dit d’un ton moqueur : « Te voilà donc revenu, vaurien ? Qui te ramène si vite ? » Lui, savait quoi répondre s’il l’eût voulu ; mais il ne voulait pas, car il la craignait.

Ce ne fut pas précisément un bouc qui ramena VAmant de Ue forêt sous les ombrages de sa belle ; ce fut l’incommensurable ennui qui s’empare de toute âme éloignée de ses amours, ce fut la nostalgie des flots de bruyères et des massifs de houx. Qu’elle fut touchante leur réunion ! quels reproches, quels aveux ils échangèrent ! quels serments de ne plus se quitter ! La forêt bruissait doucementsur le passage du préféré. Le hêtre, que sa grande taille favorise, avertissait l’ormeau de son approche ; le chêne poussait le sapin du coude ; les buissons se hissaient pour regarder par-dessus l’épaule du coudrier ; la petite bruyèreelle-même ondulait pour