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arriva un beau matin dans cette ville de Fontainebleau ; chère aux artistes, par une des avenues de cette forêt qu’il ne devait plus quitter. Comme Pétrarque à l’aspect de Laure, il comprit tout de suite, au premier regard, que son sort était fixé, qu’il ne devait plus songer à quitter ces beaux arbres, cette grandiose nature dont son cœur était épris à toujours. Son âme d’ancien soldat s’ouvrit aux saintes et pures émotions de la tendresse pour une terre qu’il n’avait pas vue jusqu’à ce jour ; car, je le répète, il avait été soldat. Mais est-il profession qui dispose mieux à l’amour ? Les plus glorieux capitaines ont été les plus grands amants. Bref, la forêt le prit tout entier avec les mille séductions de ses rochers, de ses chênes, de ses solitudes peuplées de bruyères et de lézards. Elle l’attira avec la chanson des mélèzes, ses plaintes d’orgue gigantesque sous les pins, la houle de ses vastes ondes ; les perspectives de verdure à vol d’oiseau ravissaient cette âme enthousiaste, qui n’avait encore contemplé que des perspectives de baïonnettes ; de petits coins de bois parfumés de la senteur éclose sous la pluie fraîchement tombée le mettaient horsde lui. C’était comme un enfant qui vient de découvrir sur son nid l’oiseau qui couve, ou plutôt c’était un amoureux qui prend possession de ce troisième degré de l’amour dont parle André le chapelain, dans son livre de Arte amatoria. Il avait la jouissance des embrassements les plus intimes. De ce jour, le rêveur ne s’appartint plus. Vie et fortune,