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à la porte des guinguettes. Dès qu’elle prenait son instrument, l’idiot s’asseyait devant elle : il écoutait la guitariste en rougissant, en tremblant de plaisir ; i’songeait à peine à essuyer ses grosses larmes ; il tressaillait, il s’agitait, il avait la fièvre ; il se pendait, si on peut le dire, aux cordes de la guitare et aux doigts qui les faisait chanter ; enfin, au dernier son de l’instrument, il se relevait tout d’un coup, sur la pointe des pieds, les regards tournés vers le ciel, comme s’il eut essayé d’atteindre la note disparue en la suivant des yeux, du geste, de l’oreille et du cœur.

Lorsque l’Innocent fut mort, tous les petits garçons et toutes les petites filles du village voulurent l’accompagner jusqu’à sa dernière demeure. Ces petits êtres n’avaient rien encore de la cruelle petitesse des hommes : on devinait aisément qu’ils savaient regretter un ami, un enfant, un de leurs semblables ; ils étaient bien tristes, ils ne disaient mot, ils ne songeaient plus à jouer.

XIV

Marcou me précédait silencieusement dans un petit sentier qui conduit au massif d’Avon ; il rêvait assurément au fantôme bien-aimé de sa fille, à cette ombre