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L’Innocent était grand, élancé, bien fait : il avait le corps d’un beau jeune homme. Son intelligence était mal venue, faible, chancelante : c’était l’esprit d’un enfant malade. Chez lui. l’idiotisme avait tué les sentiments et les idées de son âge : il vieillissait comme tout le monde ; mais son caractère, ses goûts, ses habitudes, avaient gardé toute la simplicité, toute l’innocence de la vie enfantine. La folie avait dit à l’enfant : « Tu n’iras pas plus loin ! » L’enfant avait obéi, sans le savoir, à cette voix impérieuse, et le pauvre idiot donnait chaque jour, suivant une expression de sa mère, le triste et plaisant spectacle des enfantillages d’un homme.

Dans le village d’Avon, où on l’avait placé chez une vieille parente, l’Innocent faisait la chasse aux oiseaux avec un peu de sel dans la main ; il découpait sérieusement des images ; il cherchait des nids ; il inventait des jeux pour les filles, et il jouait bravement au soldat avec les garçons. Il sautait à la corde ; il gambadait avec les petits chiens ; il dessinait des bonshommes sur tous les murs du village ; il s’attelait, dans la campagne, à la ficelle d’un cerf-volant ; parfois il allait à l’école avec des écoliers qui avaient l’âge de son esprit ; il fallait souvent l’arracher aux amusements des bambins pour lui faire la barbe.

L’Innocent avait une grande passion bien innocente : il adorait la musique ! Une petite mendiante, une petite musicienne, venait tous les dimanches dans le pays pour chanter, en s’accompagnant de la guitare,