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des onze enfants de vignerons de. la HauteSaône devenus aubergistes pour leur malheur ; transporté dans les Vosges tout jeune et mis au service de sa grosse famille, il n’eut d’instruction que ce qu’il pouvait en soustraire à ses devoirs. Il apprit à lire dans le livre d’Heures de sa mère, dans des contes de fées tombés derrière un coffre, dans l’aima nach Liégeois et la Théorie militaire. Bientôt il put lire un autre livre, grand et sublime, celui-là, dont la nature lui tournait les pages : les montagnes, qu’il parcourait en conduisant les voyageurs pour son beau-père. Ceci nous explique le mysticisme un peu sauvage de son caractère, sa tendance à rechercher et à —supposer le merveilleux, sa passion pour les spectacles éternels, et nous fait aussi parfaitement comprendre pourquoi, n’étant point de la conscription, il s’engagea et partit soldat en 1809. A l’enthousiasme guerrier il joignait le désir de voir et de savoir.

Blessé en Espagne en 1812, il eut son congé et une lieutenance dans les douanes. Sa profession nouvelle ne tarda guère à lui devenir humiliante ; ses idées de libre enfant des montagnes n’allaient point avec les obligations du gabelou. Il vit, d’où il était, passer la triste armée que nous renvoyait la Russie, restes misérables de ce qui avait été six cent mille