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Gérard était fou, — et la folie empêcha le suicide

« Certes, la folie de Maclou Gérard n’était point une démence furieuse, une de ces monomanies homicides qui en veulent, à chaque instant, à la sûreté et à la vie des personnes. Non ! l’extravagance de ce jeune homme était calme, tranquille, douce, triste etrésignée. Il semit à habiller tout seul, à babiller peut-être avec un interlocuteur invisible, avec un ange, avec un dieu ou avec une charmante femme qu’il avait adorée ; il se mit à s’éloigner, en secret, de la maison de son père, et il s’enfonçait le jour et la nuit dans ces sombres forêts qui couvrent, j’allais dire qui peuplent l’immensité de cet admirable pays. Maclou Gérard était fou à la façon des maniaques et des mélancoliques ; chez lui, les sentiments parlaient plus haut que les idées ; le cœur avait absorbé l’esprit ; enfin, le malheureux ou le bienheureux fou puisait dans son malheur assez de raison pour être libre, assez de folie pour sentir encore et ne plus penser ! — Il était si peu ce que l’on appelle un homme raisonnable, que les jeunes filles de l’endroit l’embrassaient en souriant, sans rien désirer et sans rien craindre de ses innocentes caresses ; il était si bien ce que l’on appelle un fou, qu’il se vantait d’entendre tous les matins des oiseaux qui parlaient la langue latine : ces oiseaux arrivaient, à tire-d’aile, du beau siècle d’Auguste, et ils gazouillaient les plus jolis vers d’Horace et de Virgile ; il était si bien ce que l’on appelle un insensé, que les enfants, les vilains enfants du