Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/168

Cette page n’a pas encore été corrigée

elle se plaisait à regarder tous les biens de la terre, toutes les beautés du ciel, tous les trésors naturels de ce monde, comme une richesse qui devait lui appartenir : à ses yeux, le printemps était un artiste admirable, un magicien infaillible, que le soleil avait chargé de lui fournir une merveilleuse corbeille de mariage !

Une pareille hallucination, qui me parait, à vrai dire, une extravagance bien douce et bien consolante, servit à rendre Jeanne un peu plus folle, mais aussi un peu plus heureuse. Elle vivait joyeusement, orgueilleusement, dans l’attente de ce qu’elle appelait, comme toutes les demoiselles à marier, le plus beau jour de la vie ; elle rêvait délicieusement de son amour, de sou bonheur, de sa puissance, de son futur époux qui était encore occupé dans le ciel.

La folie de Jeanne avait des caprices charmants, des traits de caractère incroyables. Quand elle avait ramassé le matin de l’herbe, des fleurs, de petites branches, — c’était le soleil qui lui avait envoyé un bouquet ; lorsqu’elle entendait le chant des oiseaux, — c’était le soleil qui lui faisait donner une sérénade ; si un rayon de lumière pénétrait dans sa petite chambre à travers les rideaux, — c’était le soleil qui lui adressait un regard et une caresse ! Un jour, de grand matin, on trouva cette bienheureuse Jeanne, qui posait sa jolie bouche sur des fleurs encore mouillées de rosée ; on l’interrogea : elle répondit qu’elle recueillait

les larmes du soleil Le soleil venait de la quitter,