On espérait beaucoup, pour la jeune malade, de la douceur, de l’influence du printemps qui se faisait bien attendre ; le printemps fut de retour enfin, et la folie de Jeanne prit tout à coup un caractère nouveau : au lieu de sourire, la folle se mit à rire tout à fait, au lieu de se taire, elle se mit à babiller bien ou mal avec tout le monde ; au lieu de négliger sa parure, elle demanda cbaque jour ses belles bardes du dimanche ; elle s’endimancha de son mieux ; elle devint coquette : sa coquetterie était presque raisonnable.
Un soir, elle dit à sa mère :
— J’ai vu le soleil !
Sa mère lui répondit en l’embrassant :
— Hélas ! Jeanne, le soleil s’est montré aujourd’hui assez beau, assez éclatant, pour que chacun ait pu le voir et l’admirer !
— Oui, répliqua la folle… mais je l’ai vu de près, comme jé vous vois en ce moment… et il m’a parle !
— Et qu’a-t-il daigné te dire, ma pauvre fille ?
— Il m’a dit qu’il m’aimait… il m’a promis de se marier avec moi !
— A quand la noce, Jeanne ?
— Dès que ma corbeille de mariée sera faite… Et c’est le printemps qui la fera !
N’était-ce point là une ravissante folle ? Il semblaità Jeanne que le radieux fiancé, l’éblouissant époux rêvé par sa folie, avait commandé à la nature entière l’écrin magnifique et les superbes présents de la mariée ;