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du sentier : c’est l’ombre d’une belle enfant que la mort a rendue raisonnable ; elle était folle dans la vie ! Quand elle m’aperçoit, le soir, dans la forêt, elle se cache, elle s’enfuit… Elle a honte de sa folie, la plus singulière et la plus poétique folie de ce monde !

— Comment se nommait cette folle ?

— Elle se nommait Jeanne ; elle était notre voisine dans le village d’Avon ; elle avait seize ans tout au plus ; au temps où elle avait encore sa raison, elle adorait ma fille.

— Puisqu’elle adorait votre fille, parlez-moi de Jeanne…

— C’est toute unehistoirc ; la voici bien simplement. Le premier peut-être dans le pays, je devinai la folie de Jeanne, une folie qui commença par être calme, chaste, réservée, sentimentale, presque muette, comme la mélancolie. Jeanne ne comptait plus dans la grande famille de ce monde ; elle n’était encore une créature humaine que pour les yeux et le cœur de sa mère. Les paysans se moquaient de Jeanne. Le chien du logis la regardait avec dédain. Les oiseaux eux-mêmes venaient la braver : ils avaient la confiante audace de se poser sur sa tête, avec un petit ramage de mépris.

On consulta un médecin célèbre ; le savant recommanda trois remèdes fort innocents, les seuls qui réussissent parfois en pareil cas : le temps, le grand air et la liberté. On permit donc à ! a folle de courir dans la forêt, de sourire, de se taire et de pleurer.