Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/145

Cette page n’a pas encore été corrigée

bruit, le silence, la splendeur, l’obscurité, les arbres et l’herbe fraîche de ma forêt ! On y peut faire les plus aimables et les plus utiles rencontres : pas plus tard qu’hier, j’ai rencontré la Poésie, qui se moquait de la Henriade au pied de deux chênes que l’on appelle Henri IV et Sully ; j’ai rencontré l’Amour, qui batifolait dans la mare aux Èves ; j’ai rencontré l’Histoire, qui s’asseyait gravement à la table du roi ; j’ai rencontré la Chanson, la muse de Désaugiers, qui fredonnait en chancelant tout près de la grande treille ; j’ai rencontré le Roman, qui demandait à la vallée de Franchart ses secrets les plus terribles ; j’ai rencontré la Pénitence, qui pleurait sur le seuil de Yermitage de la Madeleine ; enfin, j’ai rencontré la Peinture, qui s’arrêtait à chaque pas, dans cette forêt féerique, pour contempler des toiles mobiles, des tableaux prodigieux, qui ont passé par le pinceau de Dieu et par la palette du soleil.

« Voici l’automne : venez vite ! Voici la saison, le temps, le mois, qui conviennent le mieux à la forêt de Fontainebleau. Elle commence à perdre un peu de son orgueil, elle s’humanise, elle a déjà des feuilles mortes et des accès de mélancolie, elle se désole parfois, et l’on croirait qu’elle pleure, quoiqu’elle n’ait rien de commun avec les saules pleureurs. On y voit revenir des ombres que je connais bien, des ombres qui s’étaient enfuies pendant l’été, à cause du bruit et de la foule : elles s’y promènent de nouveau, elles glissent,