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Claude Lorrain. Moins élevé, moins épique, il saisit, il touche davantage ; ses paysages familiers vous émeuvent. On admire Claude, on aime Lantara. C’est que Lantara fut peintre comme Hégésippe Moreau fut poé’te, c’est-à-dire d’instinct, ou plutôt il fut peintre et poé’te tout à la fois.

Son père était un mauvais peintre d’enseignes qui lui donna les premières notions du dessin ; mais la science, ou plutôt l’ignorance du bonhomme n’aurait pas mené loin le fils, s’il n’eût porté en lui-même l’amour inné de l’art. C’est de Lantara qu’on peut dire, et véritablement cette fois, qu’il fut Yélève de la nature. Ce qui frappe avant tout dans son œuvre, ce qui en fait la grandeur et la beauté, c’est l’impression. Sa peinture est de celles qui persuadent. Jamais, en effet, Lantara ne fit poser la nature devant lui. Avant de la traduire avec les yeux du peintre, il en jouissait avec l’âme du poëte. La plupart des paysagistes de l’école moderne, en quête de la réalité, ne l’ont cependant pas comprise. Trop scrupuleux amants de la vérité, s’ils ont trouvé un motif, ils le copient religieusement : tout est à son plan, tout est exact ; les groupes sont fidèlement massés, les nervures des arbres minutieusement dessinées, l’analomie est parfaite, et cependant c’est un cadavre ! il y manque la vie, ce je ne sais quoi d’ému et de sympathique qui fait qu’on voit l’âme de l’artiste à travers l’œuvre ; et cela tient précisément au servilismedu procédé.